Un petit billet pour nos amis provençaux
Par Florence le jeudi 24 janvier 2019, 16:28 - Lien permanent
La Provence a un climat bien particulier,
comparé au reste de la France, même si on parle d'une vaste Provence qui
s'étend partout où l'aridité fait parfois rage avec le Mistral. Comme j'ai eu
la chance d'y vivre et d'y retourner souvent, voici une réponse plus complète à
une question posée hier: "quels conseils pour vivre avec le climat
provençal?"
Nous sommes dans un climat sec, aride même, où domine Vata*, bien présent à
travers le Mistral, qui souffle enthousiasme, inspiration, ouverture,
légèreté... mais aussi dessèche et augmente tamas*. La chaleur des étés,
parfois même des printemps, voire des automnes et hivers, rayonne dans les
floraisons, les parfums et la lumière très particulière, omniprésente, qui
teinte tout de brillance, de couleurs, de netteté. Une sorte de pureté nimbe
chaque plante, même les plus retorses, comme la rue que j'aime tant. Cet éclat,
cette chaleur, sont la marque de Pitta*. En hiver, la Provence n'est pas grise,
comme ailleurs, elle est vert-bleutée, avec une touche d'anis, si élégante et
adorable.
Les anciens que j'ai interrogés quand j'y habitais et parcourais dans le
bonheur les chemins sauvages des Alpilles, m'ont raconté une autre Provence,
quand le vent du Sud y amenait la pluie, en non pas le souffle lourd du désert,
quand les canaux pouvaient déborder plusieurs fois par an à cause de grosses
pluies, quand les forêts étaient plus présentes.
La sécheresse qui gagne, qui m'a serré le coeur depuis les fenêtres du TGV, est
donc nouvelle. Ce qui veut dire que même les traditions locales sont à adapter.
Sans parler de celles que seuls les anciens connaissent encore, comme la crème
de genévrier cade (recette dans le tome 1), ou de celles qui paraissent
évidentes, comme l'usage de la tomate ou du café, et sont pourtant récentes et
plutôt toxiques.
- là où le souffle est abondant, là où souffle le pur Mistral, on utilise le
souffle: marcher, chanter, respirer (pranayama sans bandhas), masser et être
masser.
- s'étirer, doucement, sur le souffle, tous les jours. Adopter les gestes des
terres arides qui soignent les articulations comme balayer la maison accroupi
au ras du sol.
- pour ne pas être emporté, comme le compagnon du baron de Munchaüsen qui avait
des boulets aux pieds parce qu'il courait trop vite en leur absence, on peut
adopter les tatkaar
et les pesantes clochettes des danseuses de kathak, ce qui est aussi une
méthode traditionnelle de contraception et d'équilibre pour la féminité. Idéale
pour retrouver son socle au moment des envolées de températures aussi, ou des
grosses émotions, même sans clochettes. Autant sans doute qu'une danse
traditionnelle locale. Pas pendant les fleurs et pas pour les hommes.
- consommer des bouillons et des jus, avec des nourritures
plus sèches, comme l'alliance du couscous et de la semoule, ou la
bouillabaisse, ou la soupe au pistou. L'orge, en l'absence
d'hypertension ou d'excès de chair, est la céréale qui était consommée
abondamment jusqu'à une époque récente. Toujours grillée, sous toutes les
formes: farine ou tsampa, semoule, pain, gâteau de farine au miel, risotto...
Elle est la céréale des terres arides, de la Mongolie au Maroc. Au contraire du
riz qui réduit l'eau dans le corps, et à moins que vous n'habitiez la Camargue,
elle donne ce qu'on appelait "la force" en médecine ancienne. Idéale pour les
pratiquants de yoga... Elle pousse partout en Provence sous sa forme
sauvage.
- se réjouir des plantes locales et les apprivoiser en saison,
les connues et les moins connues: olives, baies de genévrier cade, arbouses,
oranges amères, calament népétha, rue (une branchette de quelques feuilles pour
un plat), grenades, figues, moutarde noire, roquette, germandrée, pistachier,
armoise, absinthe... (comme elles me manquent!). Quand elles fleurissent ou
qu'elles sont "en majesté", c'est le moment de les utiliser. L'amertume des
balsamiques purifie le feu qui monte, leur astringence referme
et rassemble.
- consommer des aphrodisiaques, au sens ayurvédique du terme,
c'est-à-dire "régénérant" de la fécondité: figue, réglisse (le sucre local),
les merveilleuses asperges sauvages, ail pour ceux qui ne pratiquent ni yoga ni
autre sadhana, rose, jasmin, lait... Certains sont adaptés aux femmes, d'autres
aux hommes.
- jouer avec toutes les ombellifères locales, comme le
fenouil: elles replacent les souffles dans les canaux appropriés ou les
évacuent et promeuvent les jus du corps. Et le laurier...
- privilégier les saveurs acides, douces et salées, puis
amères au début de l'été et de l'été indien. L'épine-vinette
acide est une grande oubliée de la région, arrachée dans les années 50, et
perdue de vue. Pourtant elle est parfaite pour de nombreuses conditions dues à
l'aridité, et une composante essentielle de ma version locale (recette dans le
tome 1) du chyavanprash indien, mélasse régénérante aux nombreuses vertus
(vieillissement, asthme, excès de chaleur dans le haut du corps...).
- plus encore qu'ailleurs, éviter les excitants, hors locaux, qui ont toujours
un effet desséchant. Les liqueurs locales, en revanche, permettent, comme le
vrai pastis (au moins 13 plantes et de la réglisse comme
sucrant), de rendre l'eau froide "digeste" en plein été, à très petite dose
bien sûr, mais pas mieux qu'un peu de teinture de benjoin dans
un orgeat véritable... ou de
gomme de cerisier.
- les activités qui demandent de l'endurance (les cyclistes acharnés du plein
été m'ont toujours interloquée), la station longue devant un écran, de la
concentration... sont à éviter. Préférer la contemplation de
l'horizon pour relâcher la chaleur interne, et l'inspiration à la
concentration.
Si des questions vous viennent, laisser un commentaire sur lequel je
rebondirai. Parce que bien sûr, tout cela est un peu court...
- termes expliqués dans le glossaire de chacun de mes livres