Printemps
Par Florence le lundi 9 avril 2018, 15:57 - Lien permanent
Deux jours, jeudi et
vendredi, de soleil, de ciel bleu, de fleurs partout, de chaleur... Chaque
année, comme un accouchement, on oublie la félicité printanière, l'exultation
des corps, le débordement des coeurs, l'épanouissement des regards et des
fleurs... qui nous surprennent au détour d'un jour de soleil.
Une tulipe sauvage penchant légèrement sa corolle dorée au gré du vent peut
suffire soudain à combler tous les désirs de grâce et de beauté. Ou le reflet
du soleil dans l'herbe tendre, la rosette joyeuse des pissenlits, la pureté
frémissante des buissons de pruneliers fleuris, un chemin de muscaris, un
parterre de violettes... Et l'ivresse du parfum des fruitiers en pleine
floraison, tous les désirs de senteur et de paix. La main caresse l'herbe
douce, la mousse, les feuilles juteuses d'alliacées, les frais embrassements
des tulipes et des jonquilles, fouille les rosettes de bourse-à-pasteur et de
pâquerettes ou les feuilles de violettes, chatouille les pousses d'achillée...
suivie par le corps qui ne peut résister à l'embrassement de la terre tiède,
humide, et si féconde, puis à l'union au travers de la consommation de la
récolte sauvage.
A cet épanouissement irrésistible, le pressentiment de la pluie, la nostalgie
déjà de ces beaux jours qui ne seront plus demain rend la conscience, gonflée
de reconnaissance, de l'instant, précieux parce qu'il va passer.
Et c'est sans doute le plus beau cadeau de ce dérèglement du climat qui est en
route, avec ses montagnes russes de plus en plus brutales: nous rappeler à
nous-mêmes, nous sortir de notre confort, nous souligner la préciosité d'un
instant de printemps sauvage et le parfum de notre âme. Le Paradis, c'est
ici.
Ceux
qui ne suivent plus la danse, que ce printemps fatigue, dont la stabilité
intérieure peine sous les désordres, retrouveront la paix à l'odeur des
pruneliers en fleurs, qui nettoient les grognons boueux de l'âme et du corps,
avant de faire du vin d'épine pour être moins piquants, quand les pousses
jailliront des branches. L'aspérule montre aussi sa voie humble et étoilée dans
les sous-bois, en même temps que les bourgeons de cassis: un thé quotidien peut
aider à ramener pureté et joie. Comme les souffles sont perturbés par les
changements, et que l'arrivée de la chaleur a été soudaine, on peut se raidir
et se gonfler sous la pluie revenue: les pissenlits sont toujours les meilleurs
compagnons, avec beaucoup de salades sauvages du moment, mais aussi la sève de
bouleau, la bière, l'orge rôtie en porridge... et un passage au hammam avec
gommage pour redonner de la perméabilité et du mouvement, suivi d'un petit
sauna en cas d'excès d'eau dans le corps ou de chairs débordantes et
molles.
Aux enfants qui pleurent faiblement et opiniâtrement
dans la chaleur, on peut donner de l'orgeat, comme aux adultes blessés par les
épines, humaines ou végétales.
Le temps pluvieux appelle un peu plus de gras et d'acide dans la nourriture,
pour nourrir en nous le pouvoir de transformation, tandis que toute la nature
se transforme aussi. Au printemps, les saveurs principales sont le piquant qui
disperse, liquéfie, révèle et nous débarrasse de nos piquants en nous faisant
expérimenter la sagesse semblable au miroir; l'amer qui évacue et débarrasse de
l'amertume et des regrets; et l'astringent qui tonifie, et évacue les peurs.
Cela peut être la boisson "tonique", gingembre et citron; une poignée de
plantes sauvages avec du raifort ou du cresson, ou la saveur des premières
alliacées crues, qui dégagent le nez et la tête; un écart du locavore vers les
plats de terres humides et chaudes (Thaïlande, Kerala, Amérique du Sud...); les
premières pousses d'angélique, ou leur angélique racine...
Mars avance sur Pluton et forme en ce moment, avec Saturne et la lune noire, un
faisceau de tensions en Capricorne, signe des structures. Je doute que les
grèves s'arrêtent... En sextile à Neptune et Jupiter, cela augure cependant
d'une belle occasion de régénération, voire de guérison collective. A titre
individuel également, même si certains d'entre nous risquent de basculer du
"côté obscur de la Force"... provisoirement. Parce que, comme le dit Albus
Dumbledore sur le mur de la chambre de Sacha, "vous savez, on peut trouver le
bonheur même dans les moments les plus sombres... Il suffit de se souvenir
d'allumer la lumière"!