Le coing, recettes
Par Florence le lundi 25 septembre 2017, 18:20 - Lien permanent
Au printemps, le cognassier donne au sein
de ses feuilles veloutées d'un vert amandes des fleurs d'un rose délicat aux
pétales fragiles. Sans soin aucun, elles auront laissé place à l'automne à de
gros fruits verts puis jaunes d'or à maturité, très odorants, dont le poids
fait parfois ployer les branches. Le cognassier n'est pas originaire de nos
régions mais plutôt du Caucase. Robuste, il s'est naturalisé surtout autour de
la Méditerranée et, peut-être grâce à des cultivars plus résistants au froid,
il est remonté vers le Nord.
Qui croirait en le voyant porter fièrement ses lourds fruits dorés dans les
champs de Normandie à la fin de l'automne, ou angéliquement couvert de fleurs
roses au printemps, qu'il n'est pas originaire de notre terre? Il y grandit en
tout cas sans effort, même si ses fruits ne mûrissent qu'avec les gelées,
contrairement à ses cousins d'Orient dans lesquels on peut croquer.
Il fait partie de ces fruits d'automne à la saveur à la fois bien astringente
et plus sucrée après les gelées, aux vertus adoucissantes, comme les précieuses
cormes, nèfles, arbouses... qui régulent nos transits enflammés par la beauté
et les clairs-obscurs de l'été indien et ravivent notre appétit défaillant, en
nous communiquant leur vigueur. Parfois consommé comme un légume, cuit
en pâte, en mélasse, en gelée, en soupe, en potée... il est l'artisan d'une
magie toute particulière et inspirante: sa ferme douceur acidulée peut
convertir les graisses en crème aux usages tant culinaires que médicinaux,
comme dans la recette de potée
aux coings (tome 1 de "Savourer le chant des saisons"). Il était révéré par
les anciens grecs, offrande favorite des Dieux et, aphrodisiaque féminin, un
des attributs de la déesse Aphrodite: pommes d'or des Hespérides, et de la
discorde, offrandes de Pâris à la plus belle, premier des évènements qui
mèneront à la guerre de Troie.
Voici quelques recettes afin de
profiter d'une récolte toujours abondante, sans l'étouffer dans le sucre:
- une fois récolté, de préférence sur la branche, on le pose sur des claies en
évitant les chocs. Il ne se gardera pas passé Noël...On peut aussi le couper en
tranches et le plonger dans le miel si on dispose d'une récolte abondante. Il y
communiquera son parfum et ses propriétés au miel, qui en prendra la
douceur.
- si vous appréciez son parfum, dont l'astringence entêtante incommode parfois,
il fait merveille dans les placards pour communiquer sa senteur florale au
linge et éloigner les mites. Sinon, posé dans une coupe, il embaumera la pièce,
mieux qu'un parfum synthétique. A tenir éloigné des autres fruits cependant:
son astringence excite la fermentation.
- moi, j'adore la mélasse de coings, ou coignarde. Cela fait
deux ans que je n'avais pu en faire mais, grâce à un généreux ami tourangeau,
j'en ai réalisé à nouveau en plein Paris avant-hier. Pour cela, comme le
birnel, on peut soit passer
les coings, une fois leur duvet frotté au torchon, à la centrifugeuse, s'ils
sont bien mûrs et un peu juteux (pour une astringence plus prononcée), soit les
cuire coupés en quartiers (plus de douceur et de pectine, et une très belle
couleur), ni épluchés ni épépinés, en les couvrant d'eau. Ensuite, on laisse
réduire le jus débarrassé des éventuels morceaux, à feu fort, jusqu'à réduction
au 1/6 à peu près, c'est-à-dire jusqu'au point où une goutte versée sur une
assiette devient rapidement collante. Cette mélasse à la belle couleur sang,
dont l'astringence persiste légèrement sous la douceur, est délicieuse sur du
fromage blanc, avec un fromage en sandwich, dans une soupe, dans une potée de
légumineuses, à la cuillère, dans une tarte... et en remplacement de la triste
tomate omniprésente.
- pour moi, la meilleure méthode de
pâte de coing, ou cotignac est la suivante: on cuit les coings
dans leur peau au four ou sous la cendre, environ 3/4h à four moyen. Puis on
les épluche et on ôte le "gravier" avec les pépins, on les écrase à la
fourchette, et on les passe au chinois. Après avoir clarifié du miel,
c'est-à-dire l'avoir écumé après l'avoir chauffé à feu doux, on le mêle aux
coings, 1 part de miel pour 3 à 4 parts de coings, et on tourne jusqu'à ce que
la pâte se décolle de la casserole. On peut ajouter un peu de cannelle et de
girofle si on souhaite. Il faut ensuite le laisser "sécher" 24 à 48h dans un
endroit sec, idéalement exposé au vent du Nord, avant de découper et conserver
dans des boîtes en fer-blanc, entouré de papier gras ou saupoudré de sucre.
Délicieux remède aux transits rapides du moment.
- si les grains n'ont pas été cuits, on peut en faire bouillir une cuillerée à
café dans une tasse d'eau. Cette gelée a servi de gomina, et
me permet de rafraîchir, quand j'y pense, mes bouclettes aplaties par les
matins frais. Cette gelée est également un bon remède en cas de toux sèche, de
diarrhée avec irritation, de bronchite, de cystite, d'émotions brûlantes,
d'angine... toutes inflammations dont nous accompagnons parfois l'enflammement
des arbres.
- en 2014, j'avais préparé du vin de coings en mêlant 1 part
de miel, 1 part de suc de coings et 3 parts d'eau. Le résultat fut un nectar,
qui finit cependant, en l'absence de lieu de conservation correct, par devenir
du vinaigre. J'ai gardé longtemps ce vinaigre rose, au goût onctueux de fleur,
pour aromatiser avec parcimonie des salades d'exception.
- une autre recette à boire: un coing râpé dans une bouteille d'eau-de-vie,
avec un bâton de cannelle, mis au soleil pendant 21 jours. On obtient une
liqueur rose que l'on sucre avec du miel ou du sucre,
éventuellement relevée de coriandre, de girofle et de cannelle, et qui tourne
rapidement la tête à moins d'y jeter quelques amandes amères ou un peu
d'extrait d'amande amère.
- une fois cuit, il soulignera le parfum d'une tarte aux pommes, d'un chausson,
d'un crumble ou d'une compote si on l'y mêle. Quelques dés dans une salade au
céleri rave ou "céleri rémoulade" le rendront émouvant d'équilibre entre les
textures (comme dans une recette du tome 1). Quelques tranches de coing cuit au
four arrosé de miel accompagneront une glace maison (romarin, roquette,
cresson...), à moins que ce ne soit l'inverse.
- coing confit au vin: on coupe le coing en tranches, on met
les pépins dans un nouet, et on cuit le tout en couvrant d'un bon vin rouge, ou
de moût (jus frais de raisin), qu'on laisse réduire. On sucre au miel quand la
préparation est tiède. A souligner éventuellement d'un trait d'eau de rose où
des pistils de safran auront rendu leur arôme.
- crème de coing: le coing se marie très bien au potiron, ou
aux poireaux comme en Europe de l'Est pour des soupes reconstituantes de soir
d'automne. Par exemple comme ceci: faire fondre à feu moyen deux poireaux en
lamelles dans du ghee. Ajouter un beau coing coupé en tranches fines et 1 l de
bouillon de légumes ou de poulet. Laisser frémir 1/4h. Saler, poivrer. On peut
relever au poivre de sichuan, ou avec quelques graines de fenouil frais
cueillies dans le jardin, ou quelques baies roses. Un peu de fromage sec ou à
pâte dure râpé lui donnera une saveur plus terrestre.
- brioche au coing et à la rose, recette de "S'cuiz in" très
légèrement modifiée : la veille, délayer 10g de levure boulangère dans 4
c. à soupe de lait tiède. Ajouter le mélange à 275g de farine T55 mêlée à 20g
de sucre et une pincée de sel. Ajouter petit à petit 2 c. à soupe d'eau de
fleurs d'oranger, puis deux oeufs entiers et un jaune. Ajouter 150g de beurre
mou et pétrir jusqu'à obtenir la texture appropriée. Placer dans un endroit
tiède et humide à l'abri des courants d'air, par exemple le four chauffé puis
éteint avec le lèche-frite rempli d'eau. Attendre que la pâte double de volume.
Puis la mettre au frais pour la nuit.
Rabattre et étaler la pâte uniformément en rectangle. Découper des bandes
régulières d'une taille légèrement inférieure à la taille du moule avec
couvercle que vous allez utiliser. Rouler une tranche de coing de même hauteur
dans chaque bande, puis placer les rouleaux dans le moule de façon à occuper
tout l'espace. Délayer 3/4 de tasse de miel rozat ou de sirop
de rose maison (eau de rose et sucre) avec le même volume d'eau et remplir une
partie du moule où sont les rouleaux. Mettre à four moyen. Quand la pâte monte
jusqu'aux bords, couvrir d'une feuille de papier cuisson et d'un couvercle.
Vérifier la cuisson et terminer sans couvercle pour laisser colorer. Déguster
tiède, avec une chantilly non sucrée, un jour de pluie ou de tristesse, de
grande balade en forêt dans les tapis de feuilles, pour un goûter d'enfants aux
joues rose vif...
- tatin de coings: cuire les coings au four dans leur peau.
Les éplucher, couper en tranches épaisses et disposer au fond d'un moule à
tarte généreusement beurré au ghee. Faire un sirop avec du sucre et de l'eau
safranée aromatisée de deux clous de girofle. Arroser les tranches de coings,
sans excès. Couvrir de pâte feuilletée. Mettre à four moyen. Finir la cuisson
en retournant la tatin. Servir avec une chantilly non sucrée.