Le temps du rougeoiement, menu du 19 octobre
Par Florence le dimanche 13 octobre 2013, 13:08 - Lien permanent
C'est le temps du rougeoiement. Dans la
grande forêt parcourue par la brume, puis sous la pluie douce, l'oeil
s'accroche ça et là aux bouquets de couleurs: les fruits du houx, du
cornouiller, de l'églantier ou de l'épine-vinette, les lianes de la vigne
vierge, la bruyère finissante, les premiers écussons d'or des peupliers... Eux
seuls paraissent encore exister sans se fondre dans l'omniprésence de l'eau,
celle qui guide la poussée de l'arbre, celle qui suinte de nos corps de
promeneurs, celle qui est en suspens et porte la trace récente d'un cerf, d'un
renard, d'un blaireau, puis celle qui pleut sur nous, hâtant toute
décomposition, nous mêlant à l'écorce en devenir de terre.
Dans la
brume qui traverse tout, je commence à me défaire, puis sous la pluie qui me
parcourt, je se liquéfie, devient la pluie, la terre odorante, les feuilles
multicolores, les animaux haletants, les branches alanguies, l'eau de la source
qui jaillit de la terre, l'arbre qui s'élève, l'espace entr'aperçu entre les
branches nouvellement dénudées, le feu qui se manifeste dans les couleurs de
l'automne avant de s'éteindre... Je s'étire à l'infini.
Sur le chemin boueux, à la rencontre de la main, l'automne déploie ses trésors
de nourriture: belles châtaignes dans leur bogue épineuse et anisée, noix à la
chair tendre et laiteuse sous l'écorce noire et la peau amère sur laquelle mes
doigts s'affairent patiemment (leur donnant plus de prix encore), cynorrhodons
pulpeux à sucer sur place, près de la fontaine fraîche. Et "je" se rassemble à
nouveau.
Petite mort de l'automne du scorpion,
saison d'été indien où les frontières s'abolissent, jusqu'à la grande frontière
du jour des morts, ancien Samaïn pendant lequel ils côtoyaient les vivants.
C'est le temps pour pleurer ce qui n'est plus, ce qui se meurt, ce qui ne s'est
pas déployé. Avant d'entrer dans la nudité de l'hiver, la nuit du monde, où
tout chose est en germe; avant de rêver notre printemps intérieur dans la
vigueur de la saison froide.
Pour relâcher la pression des soufffles vers le haut, les migraines et les
troubles ORL, on peut faire des bains de pieds sinapisés (avec une grosse
poignée de graines de moutarde écrasées). On peut aussi boire de la bernache
(sorte de cidre de raisin) ou de la bière faiblement alcoolisée ou artisanale,
manger des fruits d'automne, tous ces fruits doux, acides et astringents, des
noix fraîches, des chataîgnes, des céréales comme le millet, le sarrasin ou le
quinoa, du cresson, de la mâche, du pourpier surtout, et du basilic toujours.
On peut alterner ou associer les
nourritures qui rassemblent et permettent d'exister dans la décomposition et la
chaleur: saveur astringente, texture sèche, craquante, croquante, grillée,
rôtie, et les saveurs qui adoucissent les éventuelles irritations dues à la
chaleur: nourritures onctueuses, pectorales, légères, subtilement parfumées,
rafraîchissantes.
Comme il fait très chaud cette année, il peut être encore plus important de
s'ancrer: lever avant le soleil pour profiter de la paix et de la beauté de ces
heures solitaires, douche ou aspersion froide au petit matin, travail physique,
tendresse des proches...
Menu végétalien du 19
octobre:
Pesto de basilics et crackers aux graines
Riz moelleux aux aubergines et lait de coco
Soupe de lentilles carottes et céleri
Petits pâtés de courge
Salade aux herbes sauvages
Pannacotta aux pruneaux